Sous la peau de Jane Birkin…
Christiane Berthiaume - Critique_CB Style de vie
4 mars 2020
Jane Birkin, s’arrêtait dimanche dernier, au théâtre Outremont, dans le cadre du Festival International de littérature. Malheureusement pour la suite, le concert Birkin Gainsbourg Le Symphonique du 3 mars, a dû être annulé, en raison de l’état de santé de son précieux collaborateur musical, Nobuyuki Nakajima.
Donc, la voilà, qui s’avance sur les planches de l’Outremont, habillée simplement d’un pull, d’un pantalon sobre et de baskets blanches. Elle s’assoit sur le bout de la chaise, à une petite table, où elle pose ses deux livres annotés de post-it, comme uniques accessoires. À vrai dire, on s’attendrait à de grandes présentations de circonstances pour accueillir la star, venue pour la lecture-spectacle de ses carnets personnels « Journaux intimes », soient : Diaries ( 1957-1982 ) et Post-Scriptum ( 1982-2013 ) chez l’éditeur Fayard.
En fait, pas besoin d’artifice, Jane Birkin incarne tout. L’essentiel simplicité de son être envahi la salle et illumine le théâtre. Sa douce présence et son humanité s’incarnent dans cette voix feutrée et délicate, aux charmants accents anglo-saxon marqués et si distincts.
Dès ses premières paroles, la sensibilité et l’intelligence de sa plume émergent. Elle racontent ses écrits intimes, dès l’âge de 11 ans, alors q’elle s’adresse à Munkey, son singe en peluche. Sans pudeur et avec sincérité, elle nous confie ses amours complexes et les soirées rocambolesques avec les hommes de sa vie, principalement, ( John Barry, Serge Gainsbourg et Jacques Doillon ). On se projette dans ses maternités et son admiration pour ses filles Kate Barry, Charlotte Gainsbourg, Lou Doillon et leurs enfants.
Sur les tumultueuses années Gainsbourg, elle dira: « je ne peux pas quitter Serge, je n'en serai probablement jamais capable, sauf s'il me fait trop peur. Il est trop nécessaire! Trop essentiel! » La crainte aura raison de son couple et leurs liens bien que tortueux, persisteront. Birkin semble liée à la vie à la mort, avec son homme à la tête de chou. Le second bouquin se termine brusquement, au décès de sa première fille, Kate Barry.
Jeune, elle exprime ses états d’âme et sa solitude dans des textes matures teintés de manque de confiance face à son corps et d’une aspiration à plaire à tous prix. On perçoit qu’elle garde en vieillissant, un cœur éternellement candide et perplexe. En l’écoutant nous invoquer des instants croqués de son intimité avec générosité, tout le prestige et l’importance de sa célébrité se dissipe. L’audience fait presque corps avec elle, captive, comme elle l’a été, de ses amoureux. Elle éveille la fragilité, celle qu’on n’ose pas afficher ou exprimer, de peur d’avoir l’air bête ou faible.
Dans notre quête sociale de vérité et d’authenticité, cette permission d’être soi-même arrive à point, telle une autorisation de laisser tomber les masques, tout en choisissant d’être franc, hésitant et gracieux.
Toute la richesse et la force de cette femme est là, dans la singularité de ses réflexions et sa présence remplie d’humanité. À plusieurs reprises, elle saute des bouts de son histoire pour entrer dans le temps de la prestation et le public murmure : oh non!… Elle ricane en évoquant : « c’est épouvantable de sauter des années de sa vie, Il y a des choses précieuses et drôles sur toutes les pages. »
On entre littéralement sous la peau de celle qui émoustillera toute une génération et fera scandale en début de carrière par le tube « Je t’aime moi non plus. » La plus française des anglaises doutera toute sa vie de ses qualités, ce qui l’amènera à hésiter de publier ses deux volumes, par peur de décevoir.
Jane Birkin se dévoile insécure, fascinante et irresistible. Son charme opère toujours.
Une figure emblématique de sa génération
Esprit libre et original, sex-symbol quoiqu’à l’apparence androgyne, c’est en formant le mythique couple avec Gainsbourg qu’on la sollicite à profusion. L’icône pop depuis 50 ans, submerge l’univers médiatique. Pour n’en nommer que quelques-uns, elle s’associe à Martini, les voitures Renault, les jeans Lee Cooper, les chaussures Converse. En 2011, elle apparaît dans une publicité télévisée pour le parfum Miss Dior Chérie, réalisée par Sofia Copolla. Les slogans font souvent réagir, comme le premier pour les accessoires Léo Isba signé Serge Gainsbourg : « Les ceintures sont comme les femmes : des accessoires essentiels. »
La grande maison Hermès, dessine un sac spécialement pour elle, qui portera son nom jusqu’en 2015. Elle demande à la Maison Hermès de débaptiser le Birkin Croco jusqu'à ce que de meilleures pratiques répondant aux normes internationales pour la protection des animaux, puissent être mises en place pour la fabrication de ce sac. C’est une artiste accomplie, engagée et militante pour les droits civiques, l’écologie et la lutte contre le Sida.
Cinéma et théâtre
D’abord actrice en Angleterre, puis en France, Jane Birkin cumule des rôles marquants. Sa filmographie s’étend de 1965 à 2016. Elle touche même à la scénarisation et la réalisation entre 1987 et 2007.
Dès le film « La piscine » de Jacques Deray, Jane Birkin devient souvent une « ravissante et coquine idiote. » Heureusement, tout son talent est exposé lorsqu’elle travaille avec Jacques Doillon, qui deviendra son partenaire amoureux. Elle jouera dès lors des personnages plus riches et dans plusieurs films internationaux.
Au théâtre, elle incarne des personnages classiques de Marivaux, Shakespeare ou Sophocle ainsi que des comédies de 1985 à 2014, tant en anglais qu’en français.
Musique
Sa carrière musicale débute en 1969 avec Gainsbourg. Il lui écrit des centaines de chansons qu’elle offre encore en récital ou à caractère symphonique. Jane Birkin collabore aussi avec Alain Souchon, Hugues Aufray et pour diverses compilations hommage à des artistes, tels que Serge Reggiani ou Barbara.
Distinctions
C’est une grande dame, décorée de l’Ordre de l’empire britannique, ainsi que l’Ordre nationale du mérite et l’Ordre des arts et lettres qui sont des distinctions françaises.
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